Les Îles Marquises sont en fait très similaires à Belle Île, à quelques détails près ; nos pommiers sont leurs manguiers, la mer qui borde nos côtes a 13 degrés de moins que la leur, notre chère et douce bruine ressemble ici à une grosse, mais rapide, douche, pourvue de gouttes surdimensionnées et invasives, et nos plages de sable doré et chaud sont remplacées par de grandes et imposantes montagnes tombant à pic dans l'eau translucide, sur lesquelles il n'est pas rare de voir paître un troupeau de chèvres sauvages, grandes escaladeuses.

Ces impressionnants amas de roches semblables aux fjords néo-zélandais sont presque entièrement recouverts d'une dense végétation, de plantes allant du vert le plus clair comme celui des longues feuilles de cocotiers, au vert le plus foncé des fines feuilles de fromager.

La lande éparse qui occupe le haut de nos plages, comme Donnant, n'existe pas ici ; ce sont des cocotiers chargés d'appétissants fruits que nous apercevons partout, en bordure de mer.


Les Îles Marquises font partie de ces précieux endroits où la générosité de la nature ne connaît aucune limite ; les immenses ressources que contient la mer semblent inépuisables et la terre nous offre des fruits jaunes, verts et oranges gorgés de saveurs plus onctueuses les unes que les autres.


En effet, tout comme chez nous dans l'océan Atlantique, les poissons se plaisent dans l'océan Pacifique, aux abords des Marquises. Par contre, comme l'a fait remarquer mon frère dans son article, ils sont bien plus nombreux et colorés qu'en Bretagne, nous en profitons donc pour en déguster chaque jour (en rillettes agrémentées de saté, panés après avoir été trempés dans de la sauce soja, à la vapeur avec quelques touches de gingembre...)

Les fruits savoureux sont aussi au rendez-vous ; des pamplemousses rafraîchissants faisant en taille trois fois ceux que nous avons l'habitude de manger, des caramboles acidulées et douces, prenant la forme d'étoile une fois préparés, des noix de coco au lait savoureux et à la chair tendre, des bananes moelleuses et goûtus... Les mots me manquent pour décrire chaque saveur présente dans ces fruits tous plus délicieux les uns que les autres.


De temps à autre, au détour d'un virage montagneux lors d'une balade où le temps n'a plus d'importance, je tourne la tête et m'aperçois que s'offre à moi une vue surnaturelle ; à droite d'un village que j'ai traversé et que je surplombe maintenant de quelques centaines de mètres se découvre une vaste vallée, encadrée par trois immenses pans de montagne.

La profondeur de la végétation qui enlace ce merveilleux endroit est telle que je reste sans voix.

Les sommets des montagnes sont pareils à des visages dont les expressions varient selon la perspective ; tantôt je crois distinguer le visage d'une femme de face, les yeux fermés, tantôt je suis persuadée d'avoir aperçu un combattant armé d'une lance, de profil.

De grands oiseaux blancs semblent glisser dans l'air, paisibles.


Ce paysage fantastique, comme il est possible d'en découvrir ici, m'a fait penser dès le premier instant où j'y ai posé les yeux, aux paysages que nous pouvons admirer dans quelques films d'Hayao Miyazaki. D'ailleurs cela ne me surprendrait pas d'entrevoir entre quelques feuilles vertes et pourpres, un Kodama, le regard observateur trahissant son étonnement, émettant de discrets cliquetis métalliques en faisant tourner sa tête.


Ici il n'y a nul danger de faire une malencontreuse rencontre avec un long serpent menaçant, une grenouille au venin mortel ou encore une araignée velue et effrayante. En effet, aux Marquises les seuls animaux que nous pouvons croiser par inadvertance sont des cochons sauvages dont il faut parfois se méfier, des chiens au regard expressif, quelques chevaux tranquilles, des chèvres peureuses mais surtout des poules et des coqs bruyants.

N'ayant aucun prédateur mis à part l'homme, ces derniers ont proliféré et voilà qu'ils occupent maintenant chaque village de chaque île. À n'importe quelle heure du jour et de la nuit, les "Cocoricooo !!" fusent sur terre, se répandant du bourg du village jusqu'au fin fond de la vallée la plus isolée, et réciproquement.


Pour ce qui est du ciel, il recelle de mille et une étoiles à la lumière claire et pure, et nous offre en spectacle de nombreuses étoiles filantes, laissant leurs longues traînées visibles durant de précieuses secondes après leur passage.

Lors de quarts de nuit, lorsque le plancton fluorescent se laisse observer dans les vagues alentours et qu'aucun éclairage d'origine humaine ne vient parasiter le paysage, toutes les lueurs présentes dans le ciel, si infimes soient-elles, sont bien perceptibles et admirables. Il n'existe rien de tel que le spectacle offert par la nuit lorsque les nuages daignent nous laisser admirer les astres, les yeux éblouis par cette vue à la beauté incomparable.

L'astre solaire n'est, lui, ni trop agressif ni trop présent. Il sait se montrer lorsque la chaleur est demandée et rester discret quand la fraîcheur serait appréciée. Souffrir du froid ou de la chaleur n'est donc pas d'actualité. Comme le disait Brel à juste titre, ici "s'il n'y a pas d'hiver, cela n'est pas l'été".


Quant aux Marquisiens... que dire... Ce sont des femmes et des hommes à la bonté infinie, qui respirent la bienveillance et l'amitié. De la petite fille avide de réponses au flot interminable de ses questions à la grand-mère gardienne du pamplemoussier familial en passant par le sculpteur du village dont la peau est recouverte de tatouages, tous ont le cœur sur la main. Chacun d'entre eux se montre d'une extrême gentillesse en toutes circonstances. Chaque rencontre avec un(e) Marquisien(ne) est unique, et pourtant chacune d'entre elle a quelque chose de fondamental en commun ; l'authenticité. Ce peuple est foncièrement bon, et séjourner à leurs côtés permet de reprendre confiance en l'humain.

Lorsque le village se réunit pour répéter en vue du festival des Marquises, l'harmonie dégagée par l'alliance parfaite que forment leurs voix entremêlées fait penser à celle que nous pouvons ressentir quand nous entendons les chants d'oiseaux se lier, au début du printemps, et l'énergie que créent leurs hakas puissants est telle que celle des Bellîlois au moment où ils se mettent à danser lors de soundsystems nocturnes.


Je ne pourrai jamais me lasser de regarder les Marquisiens préparer le copra, cuisiner le délicieux fruit de l'arbre à pain, se baigner tout l'après midi dans le petit port rempli d'une eau chaude et douce, leur servant de piscine géante, s'interpeller dans la mélodieuse langue qu'est le Marquisien, s'occuper de leurs chevaux adorés ou encore de les regarder se sourire chaleureusement et veiller les uns sur les autres.


Voilà la vie que nous menons ici, du moins ce qui me vient lorsque l'on me demande "alors, les Marquises ?".

J'espère que chacun d'entre vous se porte bien.

On pense à vous d'ici,

Lilou